TCA.
Il y a maintenant cinq ans, je confiais mes complexes à une amie cachée derrière un rayon de bibliothèque pour éviter de bosser mon TPE... Je lui expliquais que je ne m'aimais pas, que j'avais beaucoup trop de défauts, de rondeurs surtout. Enfin, je lui expliquais que j'étais grosse.
"Viens on fait un régime ?!"
Oh qu'elle est bonne cette idée... Je ne me suis pas rendu compte qu'en si peu de temps après cet éclair de génie j'embarquais pour des années de galères, de dilemmes stupides, de crises de conscience.. et bien pire.
Au début c'était assez innocent, plutôt sain même. Mais quand on fait ce genre de choses trop jeune et avec la mauvaise personne, la mayonnaise prend beaucoup trop et le risque de sombrer dans les Troubles du Comportement Alimentaire sont énormes. Je ne m'en rendais pas compte.
Alors on commence un simple régime pour se sentir mieux et puis ça prend vite une valeur affective assez importante... J'y ai vu le moyen de reprendre ma vie en main et de retrouver un objectif et quelque chose qui vaut le coup de se battre, je pense que l'idée d'adopter une nouvelle ligne de conduite me comblerait dans des moindres proportions la disparition encore récente de mon père. Bref, je ne saurais pas vous expliquer ce qui a bien pu se passer dans ma tête à ce moment là, ce que je sais c'est que c'est vite allé trop loin.
Ma partenaire de l'époque, avec qui je passais 90% de mon temps, ne doit pas assumer toute la responsabilité de MES conneries. Mais il est clair, notamment pour les gens qui la connaissent, que c'est une fille compliquée et que sans son influence ça n'aurait jamais été aussi loin.
Très vite, j'ai donc perdu 8kg, comme ça, d'un coup. C'est super, je rentre dans un 38 pour la première fois de ma vie, c'est bon, j'ai réussi. Mais, si j'ai réussi, je peux ENFIN manger comme je veux ? (Quelle logique imparable !) J'ai donc repris du poids. Beaucoup de poids (à mon échelle, bien sur). Je connaissais la solution : régime. C'est reparti, et c'est l'entrée dans le plus gros cercle vicieux que je connaisse.
J'ai donc fait ça pendant longtemps. Très longtemps. Avec à chaque fois un petit bonus : on retire les féculents, puis les fruits, puis le sel... Alors forcément, pour la grande gourmande que je suis, ça frustre énormément. Du coup, quand on atteint son objectif, on saute sur tout ce qu'on trouve, et quand on s'est privé de TOUT, on saute sur TOUT. Plus je me privais, plus la reprise était rapide, et plus je reprenais, plus je me privais...
Avec toutes ces conneries, j'ai fait le yoyo à +/- 13kg pendant un bon moment (environ un an et demi / deux ans). Mais si seulement je n'avais nuit qu'à mon corps. Tu te réveilles un matin et tu n'as qu'une obsession. C'est fini, plus rien en tête, je veux juste manger. Tu pars en courant au magasin du coin avec le peu d'argent qu'il te reste, et arrivée devant les rayons c'est impossible de choisir, alors pourquoi se compliquer la vie ? Je prends tout ce que je peux, pas besoin de choisir. Sur le chemin, la maison parait juste trop loin... Alors j'attrape ce que je peux dans le sac, mais je mange en petite quantité et en toute discrétion, faudrait pas que CA se voit. Bref, j'arrive chez moi, et je mange. TOUT. Pas forcément dans un ordre cohérent. Et je mange jusqu'à plus de place. S'il en reste, j'attends 5 minutes et je repasse à l'attaque, il ne faut rien laisser.
Heureusement pour moi, j'avais un placard juste à côté de mon pc où ma mère n'allait jamais fouiller, le placard à cadavres. Quand ce dernier était plein je choisissais méticuleusement les meilleurs tiroirs dans ma commode pour dissimuler les preuves. Quelle horreur. J'ai cédé à ce que je pensais n'être qu'une simple envie, je suis faible, je suis conne, et maintenant je vais être grosse. Je me dégoute à un point que je pense qu'il est difficile de concevoir pour la majorité des gens. Quand j'y repense maintenant, j'en tremble encore, comme si on me racontait une histoire qui n'est pas la mienne et que je ne veux pas croire.
Je n'ai jamais été chez le médecin, ni chez le psy (pas faute d'avoir essayé). Je n'avais pas la force, et je me cachais derrière l'idée que je n'en avais pas besoin. Non mais...
Après des années à faire ce genre de crises et à alterner les régimes divers et variés, j'en ai oublié qu'il restait une troisième option, bien que délicate à adopter au début ; une alimentation normale n'était plus quelque chose que j'envisageais d'avoir.. Jamais. C'était terminé pour moi.
Des soirées à pleurer parce que j'étais perdue, je ne comprenais pas pourquoi ces crises me faisaient perdre le contrôle au point de défier totalement tout raisonnement logique que j'aurais pu développer. Il n'y a pas de logique, bien au contraire. On a beau réfléchir, méditer, prendre des décisions, on finit toujours par en arriver à se retrouver assise devant des boites de gâteaux vides et ressentir cette haine, ce dégout, cette colère, cette envie de changement et ce profond désespoir. Chaque crise éloigne de nous l'impression qu'il nous sera un jour possible d'être normale à nouveau et c'est à chaque fois une grosse claque dans la gueule. Par chance je ne me suis JAMAIS fait vomir... parce que je n'ai pas réussi les très rares fois où j'ai essayé. On ne vit plus vraiment, tout ce qu'on vit on le voit à travers la bouffe. Sortie entre amis ? Y aura de la bouffe. Anniversaire ? Faut bouffer. Restau ? Faut en profiter pour prendre ce qu'il y a de plus gras sur la carte, je me reprendrai demain. Ciné ? Parfait, je prendrai des m&m's. C'est assez difficile à expliquer en fait, mais chaque décision face à laquelle on se trouve doit passer par le filtre "bouffe". C'est clairement une obsession.
Je ne sais toujours pas à ce jour si je peux affirmer avoir été (ou être) boulimique, ou grignoteuse compulsive. Je ne prétends pas avoir la situation la plus horrible quand je vois que certaines personnes n'ont malheureusement pas la chance de pouvoir en parler au passé, même après des années. Je pense aussi que pour moi ça n'a été qu'une façon de gérer (ironique, je sais) une situation que je n'arrivais plus à gérer, et un malêtre certain.
Le grignotage pathologique
Le grignotage
consiste à manger, en dehors des repas, de petites quantités de
nourriture prête à l’emploi. Il devient pathologique dès lors que ces
quantités forment en fin de compte un gros volume d’aliments, entraînant
un surpoids notable, et qu’il est le symptôme d’un réel mal-être. La
consommation alimentaire devant la télévision de produits choisis et
aimés en grandes quantités en est le dérapage type. Le malade n’a aucune
notion des quantités qu’il ingère. L’une des bases du traitement est
d’ailleurs de lui en faire prendre conscience. Le grignotage
pathologique est souvent révélateur d’un état dépressif et angoissé.
La boulimie
Tout comme la personne anorexique, la personne boulimique est le
plus souvent une femme jeune, qui a peur de grossir et cherche à perdre
du poids. Chez elle, la restriction entraîne des crises alimentaires
caractérisées par une perte totale de contrôle de la malade sur
elle-même. Durant la crise de boulimie, elle engloutit des quantités
démesurées de nourriture. La crise se solde par des vomissements,
souvent provoqués, parfois spontanés. Le secret est un composant
essentiel de la maladie. La boulimique met tout en œuvre pour ne jamais
être vue en pleine crise et n’en laisse aucune trace.
Toujours est-il que les gens doivent comprendre que ces troubles ne sont pas superficiels, ce ne sont ni des caprices ni des petits spectacles. La perte de contrôle est réelle, l'obsession est réelle comme celle d'une personne qui a des TOC. Vous n'iriez pas dire à une personne atteinte de Gilles de la Tourette d'arrêter de s'agiter dans tous les sens parce que ça n'est pas 'normal' ? C'est pareil.
Évidemment j'ai envie de croire qu'il existe une porte de sortie pour les cas les plus graves de boulimie et d'anorexie. Mais la vérité est qu'il n'existe rien que vous puissiez dire ou faire pour y changer quelque chose du jour au lendemain. C'est comme une longue rééducation, qui se gère au jour le jour.
Aujourd'hui je peux vous dire que je n'ai pas fait de crise depuis longtemps, que j'ai repris le contrôle de mon alimentation (saine, cette fois), que je ne me prive plus car c'est précisément ce qui m'a fait couler, et surtout que je ne vois plus la vie à travers ça.
Mais je peux aussi vous affirmer que je suis terrifiée à l'idée de perdre le contrôle un jour à nouveau comme ça a pu m'arriver auparavant.
Si vous avez des questions ou quoi que ce soit posez-les dans les commentaires, parce que je suis certaine que je ne pourrai jamais TOUT dire dans un unique article.
Je vis la même chose depuis des années et je ne sais pas comment m'en sortir. C'est horrible
RépondreSupprimerSi tu veux en parler avec moi, je ne sais pas si je te serai d'une grande aide mais ça ne me dérange absolument pas. Fais-le moi savoir ;-)
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